La petite sculpture en bois représentant une chouette est posée sur la table de l'atelier d'écriture. Jean-Lou, l'animateur, nous propose, d'un ton tranquille :
- Allez-y ! Que vous évoque cette chouette ?
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
La petite sculpture en bois représentant une chouette est posée sur la table de l'atelier d'écriture. Jean-Lou, l'animateur, nous propose, d'un ton tranquille :
- Allez-y ! Que vous évoque cette chouette ?
Alphonse, surnommé le fonceur est bien connu au pays des marmottes ; ceux qui attendent depuis longtemps, les patients, les timides, les résignés préfèrent l’ignorer.
Comme tous les jours, Alphonse le bousculeur se sent bien seul sur la place de la République à l’heure de la sieste, il y a tant à faire dans cette ville endormie, mais il a besoin d’un coup de main. Son but est d’apporter de nouvelles idées, bousculer l’ordre établi depuis des années, il veut persuader ceux qui attendent, qu’il est dommage de rester passif en laissant le temps passer, c’est du temps perdu à jamais, il a bien l’intention de les secouer.
A force de vouloir la transformer,
La terre va se fâcher.
Partout voir supprimer ses espaces
Même pour les cultiver
La terre va se fâcher.
Les constructions innombrables
Les béton, le bitume pas inébranlables
La terre va se fâcher.
À force de puiser ses ressources
L'eau manque aux sources,
Les hommes ne la respectent plus.
Ils envahissent même le ciel en vue
De découvrir d'autres territoires,
Salissent les mers c'est notoire,
Tout cela par la technologie, total abus !
Les guerres répandues la font frémir
Elle ne pense qu'à réagir.
Une bonne leçon à donner
À ces humains débridés,
Qui depuis longtemps la détruisent.
Alors maintenant elle s'active
Elle commence vraiment à se fâcher.
De plus en plus réchauffe l'atmosphère
Fait fondre les glaciers millénaires,
Dispersés dans divers pays
Se multiplient d'énormes incendies,
Puis les ouragans bousculent l'air
Les orages se succèdent à la clé
Ils inondent sans pitié.
Elle ne maîtrise plus sa colère
Passe aux tremblements de terre
Plus forts, c'est donc un rappel
Qu'elle lance, afin que nous admettions
La naissance d'une ère nouvelle
À maîtriser, que nous vivrons !
Pauvre terre ! On t'aime pourtant
On te voudrait si belle encore longtemps !
Ninette
Il y a bien longtemps, une contrée où il faisait bon vivre était désertée par les hommes, plus aucun ne voulait arpenter ce sol maudit.
Dans la forêt profonde, à des jours de marche, vivait une femme à la beauté inégalable. Au pays, les mauvaises langues faisaient courir des bruits inquiétants. La nuit, elle attirait les hommes en quête d’aventure, elle les retenait en leur faisant boire une potion composée de plantes rares, censée les garder jeunes et vigoureux éternellement. Cette potion enivrante au gout incomparable leur faisait oublier leur vie d’avant, jusqu’à en perdre connaissance. En attendant l’effet intense de sa mixture, elle les dévorait des yeux, puis en faisait ce qu’elle voulait, ses désirs, ses plaisirs étaient sans limites. Elle les aimait tendres, si tendres qu’elle les croquait à pleine dents, elle savourait le meilleur, et pour ne pas en perdre une seule bouchée, elle faisait rôtir le plus ordinaire dans la cheminée.
Ce soir, Greta est triste, ses parents l’ont quittée depuis peu, sans retour possible. Elle est entrée en internat, une place était disponible dans un lieu où l’on voulait bien l’accueillir sans lui poser trop de questions sur sa vie passée, ni sur ses souhaits pour les mois à venir.
- Dis Papa, elle va où la mer lorsqu’elle se retire ?
- Quand elle sera à tes pieds, avant qu’elle se retire, demande-lui quel est son secret, À cet instant, ferme tes yeux, pose un gros coquillage sur ton oreille et écoute ce qu’elle te révèlera.
Lors de ma randonnée dominicale, j’ai rencontré Héloïse, personnage reconnu au village. Tout en marchant d’un bon pas, nous avons échangé, comme nous l’avons souvent fait, c’était l’heure des confidences.
Héloïse est enseignante en maternelle depuis de nombreuses années à l’école des Petits ruisseaux. Visage souriant, coiffure bouclée brune, pulls colorés en hiver, chemisiers fantaisie aux beaux jours, elle ouvre sa classe toujours de bonne humeur. Si parfois elle est soucieuse elle ne le manifeste pas devant ses élèves.
En bateau, une fille je crois
Une sirène que je vois
En passant sur le rivage
J'ai découvert ton visage.
refrain
Près de l'océan,
Que fais-tu à présent
En souvenir d'un été
Je t'ai longtemps gardée,
Tes yeux bleus comme le ciel
Mon Dieu que tu étais belle. .
Tu n'avais que 17 ans
J'en avais presque autant
Te souviens-tu de ces beaux jours
De la tendresse pour toujours.
refrain
Près de l'océan,
J'ai laissé mes sentiments
En ce plein été
Combien je t'ai aimé,
Tes yeux bleus comme le ciel
Mon Dieu que tu étais belle.
Que deviens-tu depuis ce temps
As-tu déjà des enfants
Elles sont bien loin ces vacances
C'était de bel âge de l'adolescence.
refrain
Près de l'océan,
Une belle histoire maintenant
Cachée dans mes rêves
Je te vois sur la grève,
Tes yeux bleus comme le ciel
Mon Dieu que tu étais belle.
Jean-Yves
IIl était une fois, un pays éloigné de notre monde, un pays soi-disant inaccessible. Personne n’osait s’y aventurer par crainte de ne jamais pouvoir revenir. Des bruits couraient que certains petits malins avaient eu la curiosité de s’y rendre, on ne les a jamais revus.
Si malgré tout, quelque courageux serait tenté d’entreprendre cette aventure, nul ne saurait où il mettrait les pieds, il devrait marcher, marcher, surtout ne pas s’arrêter devant les obstacles même si des bruits bizarres à chaque pas résonnent de tous côtés.
Une faible fumée d’un blanc grisâtre s’échappait légèrement de la cheminée sans interruption.
De ma fenêtre j’apercevais cette longère où vivait seule depuis de nombreuses années une femme d’un certain âge. Je me demandais pourquoi attisait-elle un feu en cette saison, que faisait-elle brûler, aucune odeur ne me parvenait.
Ses enfants lui font parfois une visite éclair, surtout pour déposer ce dont ils ne veulent plus, chaque jour elle les attend, mais en vain, résignée brûle-t-elle ces objets inutiles pour elle ?
Je l’imagine plutôt faire le tri de tout ce qu’elle a accumulé au cours de sa vie, ces années bien remplies. Je l’imagine chaque soir relire à voix haute une ou deux lettres que son mari lui écrivait au temps de leurs fiançailles, elle les connait par cœur, je l’imagine s’endormir bercée par ces mots qui lui ont fait tant de bien.
Le lendemain, près de la cheminée, hésitant avant le geste fautif, elle déplie délicatement la lettre lue la veille puis la dépose sur la braise. Les mots se consument doucement sous ses yeux, tout comme cet amour vécu près d’Antoine il y a bien longtemps, ces années trop brèves. Il lui est difficile de voir partir en fumée ce qui lui a procuré tant d’émotions.
Élise se souvient. Antoine empilait ses livres sur tous les meubles, chacun avait sa raison d’être posé là, elle n’osait pas les déplacer. Vers 21 heures il se retirait au salon, prenait des notes ou s’évadait dans ses lectures.
Dans son enfance il avait été privé de livres, à sa disposition il n’y avait que le journal local mais il n’était pas autorisé de le lire. Son père lui disait "ça ne concerne pas les gamins de ton âge, tu liras bien assez tôt les mauvaises nouvelles".
Dès ses dix ans, il disait à qui voulait bien l’écouter, que plus tard il sera le maitre d’école de son village, ce qu’il fit dès ses études terminées. Comme il avait grandi au pays, connu de tous les habitants, le maire avait tout fait pour le garder après l’inauguration de l’unique classe de la commune. Dans sa classe la discipline était de rigueur, du haut de l’estrade il était le maitre d’école, le soir il était le maitre de la famille.
Élise se souvient. En fin de journée elle remettait la classe en ordre, préparait le poêle à bois pour le lendemain. Combien de fois a-t-elle lavé à la main les blouses grises tâchées d’encre noire, les pantalons blanchis par la craie, elle ne les a pas comptés, elle était fière de sa tâche.
Leur maison était accolée à l’école. Le Jeudi, Antoine troquait sa blouse grise pour une veste en prince de Galles, Il endossait le rôle de secrétaire de mairie, recevait les doléances des habitants, les aidait à remplir les formulaires, écoutait les difficultés de chacun comme s’il faisait partie de la famille, mais rentré à la maison il était une tombe.
Élise se souvient. Dès ses quatorze ans elle est entrée dans une école pour se former à la couture. A huit ans elle créait déjà des robes qu’elle brodait pour ses poupées de porcelaine, elle rêvait d’entrer chez Dior, un rêve de petite fille vite étouffé. Sa mère lui disait « on verra ça plus tard, fais ton école de couture, ça te servira toujours quand tu seras mariée, mais ma fille crois-moi, le salon des arts ménagers te serait plus utile». Pousser les portes d’un atelier de grand couturier, elle n’en parlait plus, la page était tournée. Le mariage est arrivé, les enfants n’ont pas tardé, elle avait été éduquée pour ça.
Élise se souvient. Elle confectionnait les vêtements pour ses enfants, en créait de nouveaux dans des anciens, ils paraissaient comme neufs. Le bruit courut vite à l’école qu’elle travaillait très bien pour un prix modique, elle proposa donc ses services jusqu’aux villages alentours.
Élise installa son atelier dans une petite pièce servant jusqu’à ce jour de débarras, c’était son lieu à elle, Antoine n’y mettait jamais les pieds. Des photos de mode décoraient les murs ainsi que les tracés des modèles qu’elle créait. Sur une étagère, des petits bocaux contenaient des boutons de toutes couleurs, de toutes matières, en forme de coquillages ou de fleurs, récupérés d’anciens vêtements, les enfants se faisaient un plaisir de les trier. Entre les dentelles, galons et rubans pendaient sur des tringles en bois. Les bobines de fil aux teintes très variées étaient rangées dans des boites transparentes.
Une planche assez large posée sur deux tréteaux servait de table où la machine à coudre était installée, en prolongement un espace permettait de tracer les patrons dans du papier journal, ou d’étaler un coupon de tissus à plat avant la coupe. De quelques chutes colorées naissaient des marionnettes ou des doudous. Les femmes aux petits moyens ne pouvant renouveler leur vestiaire se faisaient plaisir à peu de frais, auprès d’Élise elles discutaient de tout et de rien, elles se sentaient bien entre elles.
Au printemps, les mariages s’annonçant, l’atelier se parait de mousseline de soie, d’organdi, de fines dentelles. Avec les chutes, elle enroulait pliait tourniquait découpait des petites fleurs blanches et roses qu’elle décorait de fines perles. A l’essayage, la future mariée très émue imaginait ce grand jour, ainsi que sa prochaine vie. La mère accompagnait sa fille pour l’essayage, donnait son avis, elle avait encore son mot à dire mais plus pour longtemps.
L’atelier de couture laissait une odeur particulière, comme un parfum fleuri. Avant de rejoindre leur chambre, les trois enfants pointaient leur nez, chipaient en cachette un petit bout de tissus qu’ils caressaient en s’endormant.
Les petits élèves de l’école communale, devenus grands partirent en ville pour suivre des études, la relève n’étant pas assurée l’unique classe a fermé, les lourds rideaux de toile bleue rayés ont été tirés définitivement. Avec regret, Antoine a dû rejoindre une école plus éloignée à la ville, il a dû s’adapter à cette autre vie, se plier aux nouvelles méthodes, il n’était plus le maître à bord pour décider.
Le maitre d’école a échangé sa blouse grise contre un blouson en jean, laissant son col de chemise ouvert pour faire plus jeune pensait-il.
Le premier mois il rentrait un jour sur deux au village, puis en fin de semaine. Le temps passant, les retours s’espaçaient un peu plus jusqu’à ce qu’il ne revienne plus du tout. Il avait pris goût à sa nouvelle vie ainsi qu’à une nouvelle compagnie.
Les enfants du couple ont poursuivi leur scolarité en internat, eux aussi ont découvert un autre mode de vie, de nouvelles rencontres aux milieux différents.
Élise est restée seule, il fallait bien garder la maison. Elle cousait de moins en moins, coudre pour qui, coudre pourquoi, le cœur n’y était plus, le prêt-à-porter au prix abordable fit son apparition, les clientes se faisaient plus rares, ses enfants encore plus rares, seulement aux congés scolaires. Antoine se manifestait parfois, surtout pour régler des questions matérielles, il ne parlait pas de sa nouvelle vie, elle ne posait pas de questions.
Élise se souvient. Ce soir comme tous les soirs, elle reste pensive. Les lettres d’autrefois sont brûlées, la braise est éteinte tout comme ses rêves passés. Son amour s’est envolé en fumée depuis bien longtemps, Il ne reste plus que les cendres.
Annick D.