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Nouvelle "La chouette sacrifiée"

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La petite sculpture en bois représentant une chouette est posée sur la table de l'atelier d'écriture. Jean-Lou, l'animateur, nous propose, d'un ton tranquille :

- Allez-y ! Que vous évoque cette chouette ?

Je la regarde et d'un seul coup, d'un seul, me voilà transportée dans la cité de mon enfance. Je divague et je parle à la chouette.

Tu as de beaux yeux, tu sais !

Tu ne regardes que moi. Tu m'hypnotises. Tu restes figée… une chouette en bois, ce n'est pas banal. 

Que faisais-tu avant de te retrouver plantée sur cette table de l'atelier d'écriture ? Dans quelle forêt batifolais-tu ? Je te trouve belle. 

Il faut que je te raconte. 

Quand j'étais gamine, mon grand-père m'avait expliqué que des imbéciles tuaient des chouettes et des éperviers pour les crucifier en les clouant sur les portes des granges.

- Pourquoi tant de cruauté ?

- Pour éloigner le mauvais sort et parce que ces rapaces portent malheur. Mais c'est une superstition. Certains imbéciles zélés clouent plusieurs bestioles et c'est à qui en affichera le plus grand nombre.

Je trouvais cela bien triste. Mais le pire était à venir.

J'habitais une petite ville mi-rurale, mi-urbaine. Je rentrais toujours de l'école à pied et cela faisait une bonne trotte. J'avais l'entraînement et je jouais avec les copines. 

Un jour où j'étais seule, je passais comme d'habitude devant le garage de Monsieur Ducreux. 

Et là, horreur : sur la porte grise du garage , bien en vue, s'étalait une chouette bien morte. Ses belles ailes au duvet beige s'étalaient comme deux éventails et ses paupières étaient  closes.

J'étais statufiée. Je la fixais et voulais trouver une prière pour qu'elle revienne à la vie. 

Je courus jusqu'à la maison, mais en passant devant la cour des Ducreux, leur fils, Paul, qui avait mon âge et qui partageait mes jeux, me faisait des grands signes. J'accélérais ma course.

Je racontais l'horrible histoire de la chouette à mes grands-parents. Mon grand-père était catastrophé… lui aussi était incrédule. Il a pesté en s'en prenant à la bêtise humaine.

Le soir même, à la nuit tombée, nous sommes allés chercher la chouette. C'était comme une véritable cérémonie. Nous l'avons décrochée et déposée dans un boîte en carton. Nous avons posé le petit cercueil dans un trou creusé sous le figuier du jardin. J'ai cueilli quelques roses blanches et j'ai mis ce bouquet au milieu du carré de cailloux qui délimitait la tombe. Nous avons baptisé la chouette Bella.

Et voilà comment l'histoire se termine.

Ah, j'oubliais ! Le lendemain, Paul Ducreux me dit :

- Tu sais, mon père avait cloué une belle chouette sur la porte du garage. Y'a un con qui l'a décrochée !

Je ne savais quoi répondre.

- Ah, bon …. Excuse-moi , je file. Je vais être en retard à l'école.

Maried

Commentaires

  • Curieuse comme une chouette, dit-on..
    Peut-être que la chouette a vu chez Monsieur Ducreux des choses à ne pas colporter au village, et qui auraient pu lui porter malheur. On peut tout imaginer.

    Poser un objet et le faire parler, très bonne idée, Jean Lou, et Marie est retournée vers son enfance.

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