Sur la base d’une photo, raconter une histoire en s’inspirant des personnages. Choix de la photo de Cartier-Bresson : 2 femmes assises en terrasse
Assise en terrasse, Mathilde se désaltérait avec une Vittel. Elle avait posé Le Monde devant elle pour se donner une contenance, parce qu’en réalité, elle ne lisait pas vraiment les dernières nouvelles. Elle ruminait sa journée en se rongeant les ongles.
Ce matin avait pourtant bien commencé, réveillée par la douce chaleur de l’été. C’est vers midi que son humeur avait été inversée, quand elle avait appris que Chanel – Madame Coco - avait décidé de prendre une nouvelle égérie pour le défilé d’automne.
Elle avait les cuisses trop grosses, parait-il, pour mettre en valeur sa nouvelle ligne de mini-jupes.
Mathilde semblait lire le journal, mais en réalité, elle était atterrée et commença à sangloter : "Mince, c’était sympa les défilés… d’être mannequin pour Coco… ça rapportait… et puis, ça me faisait voyager… Les jambes trop grosses ! N’importe quoi ! Si une fille a les jambes plus minces que les miennes, c’est qu’elle n’est qu’un sac d’os !".
Ne se rendant pas compte qu’elle s’était mise à parler à haute voix, elle sentit le regard de la vieille dame d’à-côté, posé sur elle. Elle devait bien avoir cinquante ans de plus qu’elle, mais semblait dans ses yeux partager sa déception et sa tristesse.
La vieille dame au chapeau posa son Figaro, sur lequel elle n’avait plus de concentration, sensible à la tristesse de sa voisine de blanc vêtue.
" - Mademoiselle, que vous arrive-t-il ?
- Oh Madame – répondit Mathilde en lui montrant ses grands yeux bleu clairs -, si vous saviez."
Et elle se mit à lui raconter qu’à peine 20 ans, sa carrière de mannequin était déjà finie pour une histoire de cuisses trop grosses aux dires de Ma-dame Co-Co.
Henriette lui sourit tendrement et lui dit : "Ce n’est pas bien grave, cela vous blesse, forcément, mais vous êtes jeune, vous êtes belle. Madame Coco n’est pas la seule grande couturière de ce monde et vous pouvez, j’en suis sûre, faire bien d’autres choses que de défiler sur des podiums !"
Mathilde était encore un peu hagarde, mais comprit qu’il ne fallait pas pleurer sur son sort.
"Bien sûr" dit-elle, 'Je vais rebondir. Madame Coco n’est pas la seule au monde."
Elle se mit à sourire, pensant à toutes les personnes qu’elle avait rencontrées dans ses voyages et qui voulaient travailler avec elle.
Henriette lui tenait la main pour lui redonner courage et espoir.
Soudain, un homme s’approcha d’elles et leur dit : "Bonjour, je m’appelle Cartier-Bresson, je débute dans la photographie. Je me suis permis de faire un cliché de vous il y a dix minutes de cela. M’autoriseriez-vous à en faire d’autres et à utiliser votre image ? "
Henriette et Mathilde, surprises par cette intrusion et demande inhabituelle, se mirent à rire. Puis, le moment de surprise passé, se sentirent flattées et acceptèrent la proposition à condition de recevoir chacune un exemplaire de toutes les photos qu’il prendrait.
Henri installa son objectif et les mitrailla sous tous les angles. Il ferait ensuite le choix des meilleures prises.
Dès que ce "quart d’heure de gloire" fut passé, Mathilde ayant retrouvé le sourire, salua Henriette et Henri et se dirigea vers la Maison Saint Laurent. Yves l’avait "courtisé" à maintes reprises. Il ne saurait lui dire non aujourd’hui.
Henriette reprit la lecture de son journal, heureuse d’avoir pu aider la jeune fille et se rappelant celle qu’elle avait été.
Laurenced