Après avoir évoqué les danseurs dans différentes présentations, j'en étais restée à ce comédien danseur qui m'a "emballée" et pour cause ! François Genty danse le butô, de source japonaise. Il interprêta ce dimanche une création à la fois dure, poétique, difficile et fascinante, durant pas loin de trente minutes.
Imaginez un personnage habillé dont on ne voit pas la tête, cachée sous un très haut rouleau de papier d'emballage, qui avance à tâtons (car il ne voit rien), là tout près du public.
Par des gestes extrêmement lents il commence sa démonstration, debout, fait glisser le rouleau sur ses épaules, entrer son corps dans ce tube qu'il fait descendre jusqu'aux pieds, tout en se déshabillant, puisqu'il en sortira dévêtu par un jeu de cache-cache dans cette immense feuille dépliée. Le voilà debout, avec des gestes d'une impressionnante lenteur il se déplace, un certain temps pour récupérer une bouteille d'eau qu'il se verse sur la tête. Trempé il continue ses allées et venues (on se demande où il veut en venir).
Il retrouve son papier, culbute, l'attrape, le déchire avec ses dents, un morceau reste dans sa bouche. Il se relève toujours extrêmement doucement, sa tête se tourne légèrement, son regard est fixe, le voilà qui s'approche d'une mamy spectatrice, son visage aux yeux fixes fait presque peur. La dame doit libérer les lèvres de leur fardeau.
Il a les cheveux englués d'une matière noire, ses mains sont sales de ce noir, il s'approche, s'assied à côté d'elle, semble bien, là. Puis il se lève, lui tend la main, et l'attire; l'entraîne avec lui ; la dame suit, mais il va au sol, toujours d'une façon démultipliée, alors il lâche cette "main chérie" et va se réfugier sous son grand papier, par des contorsions il s'enroule, l'attrape avec violence, le martyrise, ce qui donne un bruit surprenant après tant de calme.
Quant il se relève, la matière noire s'est répandue sur son visage, il a le nez noir, un côté de joue barbu, son thorax est maculé, mais toujours avec ce regard figé qui l'habite, il recule, recule, pour arriver le dos contre la barrière. Par une acrobatie, une culbute, remonte les jambes, passe par dessus cette porte, disparaît dans le creux de l'escalier, réapparaît petit à petit pour continuer toujours en arrière, agripper la balustrade du kiosque, grimper face au public, enjamber la rampe tout en nous fixant, finira par lâcher prise. A reculons quittera "la scène" laissant une sacrée impression de mal être.
De cette séquence très spéciale, j'ai cru comprendre que cet être venu d'ailleurs ou différent avait eu un moment de bonheur, puis contrarié, déchiré par l'impossibilité, la séparation, il se bat contre lui-même, se blesse, s'en va et disparaît dans l'au-delà.
La présentation poétique, acrobatique reflête le travail d'un artiste complet qui emploie l'art de la comédie, du mime, du clown, de la danse, de la culture physique. Pourtant il n'a rien d'un athlète! Jeune, de petite taille, menu "fait au moule" si j'ose dire. Il ne lui manquait qu'une chose. .. la parole! Bravo François Genty, votre personnage, c'était lui le gentil !
Ninette