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  • Film "Birdman"

    "Birdman" de Alejandro Gonzalez Inarritu (USA 2014).

    Le mérite de ce film qui aurait pu se passer d'effets spéciaux -la facilité du fantastique tout au long en diminuant la portée - est dans l'étude des dérèglements psychiques liés au métier d'acteur.

    Dans ce milieu la difficulté à vivre brouille les critères du bon jeu et du médiocre. Tous et toutes sont de pauvres hères cherchant à combler un vide exorbitant. Et à dissimuler leur vulnérabilité, leur manque de confiance en soi derrière une crudité de langage et de manières virant parfois à l'obscénité.

    Ce film séduisant ne serait-ce que par son excellente interprétation reste centré sur ces drames personnels et sur l'interrogation archaïque qu'ils suscitent - la citation d'Hamlet le confirme - quant au sens profond du théâtre pour qui le pratique, y met son va tout.

    On peut y perdre son âme et on n'y trouve dans les meilleurs cas rien d'autre que le succès. Jamais ou exceptionnellement cette réponse métaphysique absolue dont nous sommes en quête et qui est le ressort de tout art. Entre tous, celui-ci, emboîtement de masques, peut rendre mortelle toute mise à nu.

    Marie-Claire Calmus

  • Expo "Les bas-fonds du baroque"

    paris,exposition Jusqu'au 24 mai 2015 le Petit Palais présente l'exposition "Les bas-fonds du baroque. La Rome du vice et de la vertu". Il s'en passait de belles dans l'envers du décor de la Rome fastueuse de la première moitié du XVIIeme siècle.

    Ne vous attendez pas à rencontrer des peintures du Caravage mais celles d'artistes italiens, français (Claude Lorrain) espagnols (Ribera) flamands et hollandais, qui par leurs œuvres vous décriront et réinventeront l'univers des bas-fonds et de ses dérives. Ils rendent notamment le visiteur complice des beuveries et des tricheries liées aux jeux de cartes, et de bien d'autres turpitudes.

    Une exposition pleine de surprises.

    Jean-Paul

  • Théâtre "Les Caprices de Marianne"

    paris,théâtreSaluons le travail de l'équipe du Vingtième Théâtre présentant ces dernières années à des prix très modiques un répertoire varié et souvent excellent.

    Les Caprices de Marianne de Musset à l'affiche sont un vrai régal, en grande partie par la redécouverte qu'ils permettent d'un texte fabuleusement moderne.

    Le fond carnavalesque de Venise constitue avec ses pitreries grossières une prémonition caricaturale de ce qui lie les protagonistes : amours et amitiés contrariées.

    La belle tirade d'Octave à la fin qui a tout perdu avec son ami Coelio, tué à sa place, est ainsi préfigurée au début, sur le mode dérisoire, par un simulacre grotesque de coït entre deux masques masculins.

    Analysée dans un style étincelant où les images en cascade révèlent des tréfonds psychologiques la condition des femmes  -et des hommes - dans le rapport amoureux est le sujet principal de la pièce.

    À la sortie du théâtre un dialogue avec l'actrice interprétant Marianne a confirmé mon impression - la sienne - d'une permanence de ces interrogations sur le sens de l'amour que les hommes prétendent nous porter.

    Là où l'inégalité sociale fait que les plus riches boivent les meilleurs vins, comment se fait-il, se demande l’héroïne, que la plupart des hommes cherchent indifféremment la prostituée en toute femme ? Sans doute les contraintes rigides de l'époque - et parmi elles la prison économique que continuent d'être la plupart des mariages - donnent-elles encore plus d'acuité au constat. Mais il reste dans notre société quelque chose de ce "traitement" d'un genre par l'autre.

    Aussi, hélas, d'une forme plus violente encore de ce mépris déguisé en amour : les violences conjugales que le metteur en scène met cruement en lumière. Marianne se révolte trop tard contre le sort qui lui est fait, s'arrachant le corset de respectabilité qu'Octave oppose à la "miséricorde" de   femmes plus humbles, même si elles font payer leurs caresses… tirade qu'on peut entendre comme un hommage au peuple.

    Elle perd tou t: mari, fortune, et surtout amours potentielles que l'éducation reçue au couvent, sa fréquentation de l’Église, sa docilité au conformisme lui ont interdites.

    À Octave il reste l'amour pour son double Coelio, et ce n'est pas rien.

    Coelio à Octave : "Comme tu es heureux d'être fou !".

    Octave : "Comme tu es fou de ne pas être heureux !".

    On sort de cette représentation la tête bruissante de réflexions où le féminisme et les luttes à poursuivre ont une grande part ; mais aussi l'intégrité de l'engagement amical, son total désintéressement qui ravive l'espoir en l'humain.

    Marie-Claire Calmus

  • Film "les nouveaux sauvages"

    Les Nouveaux sauvages de Damian Szifron (Espagne, Argentine) 2014.

    Un des meilleurs films de la période décrivant de façon implacable, féroce, l'inhumanité de notre société dans ses relations individuelles comme institutionnelles.

    Parmi ces 6 courts métrages signalons particulièrement les deux relatifs à l'automobile : pour le premier l'engrenage cauchemardesque dans lequel se trouve happé un conducteur négligent mais obstiné dans ses réclamations ; guère plus heureux familialement, ce n'est qu'au fond de sa prison, porté aux nues comme emblème de la contestation par des contribuables qui dans des situations analogues, n'ont jamais pris de tels risques, qu'il redevient digne d'attention pour tous y compris sa femme et ses enfants.

    Le 2e bâti sur une savante progression de l'anodin au fatal, montre les étapes d'un duel routier assorti à la compétition envahissante et absurde.

    Le "clou" de la série décrit un mariage - cérémonie hyperbourgeoise, somptueuse - que tromperie et jalousie disloquent jusqu'au grotesque ; la comédie de l'institution et des apparences laisse béer, finissant par fracasser le décor , la solitude, la lâcheté et les mensonges de chacun(e).

    Cette œuvre par sa lucidité violente n'est pas sans rappeler les Opportunistes, film italien resté peu de temps à l'affiche et qui, à travers un imbroglio mafieux masqué par des apparences de bonheur familial, dénonçait efficacement calculs et cynisme des riches et de leurs parasites.

    Marie-Claire Calmus

  • Théâtre "Raisons de famille"

    Dernière pièce proposée par la Compagnie Aurore.

    Un fils et son père, assis l'un près de l'autre n'ont rien à se dire, ou plutôt n'échangent rien à part des banalités. Il faut bien combler les silences.

    Ce fils devenu écrivain est fier de sa notoriété. Pourtant, rien ne laissait présager ce succès.

    En retrait, son frère. Effacé, silencieux, lui se souvient de sa réussite scolaire. Devenu fonctionnaire, rien de très original pense t-il au regard de sa famille et de lui-même, il se sent en échec.

    En arrière plan, la mère vaque à ses occupations tout en suivant ce qui se dit. Les rancœurs de l'enfance, la préférence portée plus à l'un, pourquoi donc ?. Ses interventions sont parfois maladroites en tentant d'expliquer les raisons.

    Et le père dans tout ça est là, passif, dans cette ambiance familiale chargée de reproches ou de culpabilité, en attendant que ça passe.

    Dans cette pièce, certains spectateurs ont peut-être retrouvé des situations vécues ou rencontrées, ou alors ont été étonnés que ça puisse être ainsi.

    Annick D

  • Théâtre "Raisons de Famille"

    Pièce de Gérald Aubert, mise en scène de Sébastien Bernard par la compagnie RATP Aurore au Théâtre Auguste Sobel, 9 rue Philidor (75020 Paris).

    Nous avions déjà vanté les mérites de ce lieu culturel tenu par la RATP. Le répertoire y est inégal mais cette pièce est une réussite par son rythme, son sujet libertaire, la qualité de son texte et de son interprétation.

    C'est une attaque de plein fouet de l'ordre familial - plutôt de ses désordres -,et en même temps de l'ordre social qu'il génère... les amours du fils prodigue, homosexuelles, n'étant pas forcément nécessaires à l'efficacité de la démonstration.

    Citons quelques trouvailles : "les choses de loin vont toujours de soi, c'est quand on les goûte que çà se gâte" et "(en famille) on devrait se dire qu'on n'a rien à se dire ; c'est alors que le dialogue pourrait commencer... "

    Aussi la géniale métaphore comptable que cette mère subversive adresse à son fils... "débiteur" de ce quelle à subi pendant ses neuf mois de grossesse…

    Notons aussi au début le portrait à charge de "l'écrivain" infatué de lui-même, comme le sont bien des créateurs… : "je mange comme un écrivain, je bois comme un écrivain, je dors comme un écrivain ... ".

    De la hardiesse, de l'entrain, de la finesse d'analyse et de jeu, aucune retombée. Cette représentation abolit magnifiquement les frontières... souvent contestables entre théâtre "amateur" et "professionnel".

    Comme le rappelait l'un de mes poèmes "dans amateur il y a aimer". Aimer pour faire aimer un texte, et à travers la façon de le servir, l'art et la vie.

    Marie-Claire Calmus