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Nouvelles "Un rayon de soleil"

Les derniers jours d’été sont là. Après tout, le vingt-deux Septembre je m’en fous, comme chantait Brassens.  Le ciné du quartier n’a pas ouvert ses portes, peu importe, ce n’est pas un temps à rester enfermé. Je vais me faire une séance ciné en plein air en m’installant à une terrasse.

La place du marché est toujours très animée. La brasserie "Chez Jacquot" dispose de plusieurs tables sur son trottoir. Je m’installe en retrait afin d’être tranquille, voir sans être vue. Près de moi un couple, dans la quarantaine, se tournant presque le dos, ne se parlent pas, l’ambiance semble plutôt froide, tendue. Peut-être que leurs mots sont asphyxiés dans les volutes qu’ils dispersent autour d’eux. Apparemment ils sont là depuis pas mal de temps, six verres vides sont posés devant eux.

Soudain le ton monte entre eux, très énervés ils se lèvent brusquement, partent chacun de leur côté, en omettant de payer. Le serveur les rappelle, presse le pas, son plateau à la main. Comme par hasard, la cliente en fuite a oublié son sac déposé au sol. Le serveur s’emmêle un pied  dans l’anse du sac, et patatras, il s’étale de tout son long, face à terre. Les bris de verre lui blessent le visage, la bière renversée mousse sur le trottoir, des éclaboussures atteignent mon pantalon blanc.

Le S A M U arrive rapidement sur les lieux afin de procéder aux premiers soins nécessaires au serveur, avant de le transporter à l’hôpital Bégin. Suite à cet incident les clients sont un peu excités, chacun échange sur l’évènement, certains quittent leur table craignant peut-être que les provocateurs reviennent, même le cocker d’une dame bon chic bon genre se manifeste à sa manière.

 Le gérant du bar vient me voir, bien embarrassé de la situation. Visiblement, il va me demander quelque chose. "Je suis désolée Madame de cet incident, je n’y suis pour rien, le temps n’est pourtant pas à l’orage. Comme vous étiez près de ces clients, vous avez été témoin de la scène. Je vous sollicite  afin de remplir le constat d’accident". 

Me voilà bien, j’aurais plutôt dû aller au bois. Bon, puisqu’il le faut, je le suis dans la salle, nous nous installons à la table du fond dans la pénombre. Je réponds aux questions qu’il note en souriant tout en ne me quittant pas d’un regard insistant.

Pourquoi sourit-il donc, il devrait plutôt être contrarié, que me concocte-t-il ? Je vais sitôt avoir la surprise. "Madame, il me semble vous connaitre. (Le coup classique). Étiez-vous par hasard au lycée Picasso ? » Mon sang n’a fait qu’un tour, mais c’est bien Jacques, soudain je reconnus le timbre de sa voix grave, son tic en se raclant la gorge, sa chevelure aussi épaisse avait blanchi ce qui lui donnait encore plus de charme, son regard attentionné derrière ses lunettes avait pris quelques rides, oui, c’était bien lui, comment ai-je pu l’oublier.

Après cet incident de l’après-midi, la soirée s’annonce chaleureuse. J’attends patiemment la fermeture du bar. Je ne vais pas le perturber, pour ma part, je le suis vraiment. J’ai sans cesse les yeux fixés sur ma montre, que le temps me parait long ! Enfin, après avoir baissé le rideau du bar, nous nous  retrouvons comme avant, seuls, sans témoins, sans constat.

Comme quoi, tout est bien, qui finit bien. C’est mieux qu’une séance de cinéma. Même après le vingt- deux Septembre, c’est toujours l’été. Ce soir nous avons dix-huit ans.

Annick D

Commentaires

  • Cela pourrait faire le thème d'un film. Il y a quelques jours, j'ai pu photographier grâce à Arlette un double arc en ciel de la fenêtre du salon (un demi cercle).2 jours après, même photo mais du brouillard Soup of Fog...)...

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