De Jonathan Glazer avec Christian Friedel, Sandra Hüller, Johan Karthaus
Adaptation du roman de Martin Ami (*)
Le quotidien serein d’une famille nazie, voisine du camp d’Auschwitz.
Le générique annonce l’horreur : un titre en lettres blanches sur fond noir ; LA ZONE D’INTÉRÊT se dilue petit à petit pour laisser place à un écran noir durant quelques minutes. Brusquement, une musique macabre comme venue du fonds des ténèbres ; puis viennent des chants d’oiseaux sur un cadre idyllique présentant une famille typiquement aryenne pic-niquant tranquillement en bord de rivière.
En milieu de film l’écran devient entièrement rouge quelques minutes encore, comme pour laisser le temps de prise de conscience au spectateur.
S’affichent en très gros plans de magnifiques fleurs, dont le spectateur peut se demander sur quel terreau elles ont poussé…
Puis il y a, derrière les murs du jardin, les fumées quotidiennes des cheminées.
Le spectateur assiste aux réunions ahurissantes des officiers nazis : comment agrandir le camp ? Et (simples questions de calcul élémentaire) : Combien faudra-t-il de gaz pour faire disparaître "tous ces juifs" ? Sachant qu’un train emporte 500 corps, qu’il faut compter 7 heures pour brûler 500 corps, quelle devra être la cadence des trains par jour ? La terreur prend le spectateur…
Tandis que le père opère "très efficacement" (très bien noté par ses supérieurs), la mère veille à sa maisonnée et ses 2 enfants, aidée d’une kyrielle de domestiques ("non Juifs… les Juifs sont derrière" dixit la mère).
On se demande ce qui traverse l’esprit du père, lorsqu’on le voit debout sur la terrasse l’air hautin, admirant son beau jardin en fumant sa cigarette avec délectation, tandis qu’en arrière-plan une fumée noire envahit le ciel…
Puis il y a des os humains que l’on trouve dans la rivière où se baignent les 2 enfants.
Et l’odeur ? Comment ne sentent-ils pas l’odeur ? Eux, cette famille sereine qui côtoie le camp (qu’on ne voit qu’une seule fois dans le film). Nous, spectateurs, nous la sentons, cette odeur : l’odeur de la mort, de l’humiliation, de la haine de l’homme envers l’homme, l’odeur de l’horreur, de l’impensable.
Et les bijoux, fourrures et vêtements divers dont on s’empare ou que l’on donne à partager entre les domestiques.
La scène finale nous montre une femme nettoyant consciencieusement la salle qui fut le four crématoire, entouré de vitres derrière lesquelles nous pouvons distinguer des tas monstrueux de chaussures, de vêtements etc. Nous comprenons que le camp est de nos jours un musée que l’on peut visiter. Personnellement, j’imagine mal ce que ressent le visiteur.
Le réalisateur de ce long métrage, Jonathan Glazer, a certes usé d’effets faciles. Peu importe, ces effets ont provoqué en moi l’écœurement. Comment l’être humain peut-il s’adonner à de telles barbaries sur ses condisciples ?
Un abîme d’obscurité.
MartineC
(*)"Il était une fois un roi qui demanda à son magicien préféré de confectionner un miroir magique. Dans ce miroir, on ne voyait pas son reflet. On y voyait son âme : il montrait qui l’on était vraiment".