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Nouvelle "Entre les murs"

Ce soir, Greta est triste, ses parents l’ont quittée depuis peu, sans retour possible. Elle est entrée en internat, une place était disponible dans un lieu où l’on voulait bien l’accueillir sans lui poser trop de questions sur sa vie passée, ni sur ses souhaits pour les mois à venir.

 

Dès le premier jour elle se sent différente, ses compagnes ne la regardent pas, certaines l’ignorent en détournant la tête, les autres l’observent de biais, elle imagine leurs pensées. "D’où vient-elle, ce prénom nous est inconnu, qui est-elle, sa peau laiteuse aux joues légèrement rosées, ses yeux bleus, sa chevelure lisse aux reflets lumineux sous la lumière froide des néons, elle vient probablement d’ailleurs".

Dès les premiers échanges son accent nordique la met déjà à l’écart, ses compagnes feignent de ne pas la comprendre, elles prennent plaisir à lui faire répéter, articuler chaque mot, ce qui la met mal à l’aise. Son éducation lui avait permis d’exprimer ses sentiments, d’échanger librement, Ici ce ne sont que moqueries entre chaque retenue. Elle observe ses compagnes, quelle attitude doit t- elle prendre, elle se sent perdue.

Greta retient ses larmes, si hélas quelques-unes coulent, qui verra son émotion, personne ne prête attention à sa tristesse ? Elle aimerait montrer un sourire ou échanger quelques mots avec sa voisine, mais à quoi bon, elle doit garder le silence, écouter et suivre le règlement intérieur. Il lui semble que les autres l’ont bien compris, elles ont pris leurs marques.

Ses longs cheveux blonds sont retenus sur la nuque,  pour être comme ses voisines elle craint qu’ils ne soient coupés au carré, ou teints de gré ou de force, voire rasés, afin qu’ils repoussent comme par miracle plus bruns, elle serait alors dans la norme. Sa personnalité est effacée sous ce triste uniforme bleu marine rehaussé d’un chemisier blanc, une longue tenue ceinturée flottant le long du corps masque ses formes, tenue identique pour toutes, blanche comme la pureté imposée, sombre comme ses nuits prévues entre ces murs gris.

À l’appel du soir, toutes les jeunes filles sont côte à côte, les mêmes corps longilignes qu’elles doivent couvrir du cou aux chevilles. Elle ne sait que faire de ses mains gantées de blanc, pourquoi les couvrir, une cérémonie est-elle prévue, de quel danger doit-elle se protéger ? Plus tard on lui demandera sans doute de les activer pour effectuer des tâches qu’elle n’a pas choisies, ou de les joindre pour prier, d’oublier tout contact physique avec ses voisines, garder ses distances avec ses supérieures, l’encadrement ne semble être que de femmes.

En réunion elle ne devra pas manifester ses sentiments par des sourires ou des pincements de lèvres, pas de regards insistants ou implorants, baisser les yeux à la moindre remarque, comme les autres elle devra s’oublier, se fondre dans le groupe, et ce, jusqu’à ce qu’elle sorte d’ici, si d’ailleurs elle en sort un jour.

Greta a été accueillie dans cette structure sans aucune information, elle n’a pas eu le choix, sinon où serait-elle allée, qui a donc décidé pour elle, qui ne s’est pas manifesté quand elle a eu besoin. Est-ce un lieu de retraite pour jeunes filles à conduire vers un meilleur chemin, est-ce un centre pour enseigner les métiers majoritairement féminins, ou une école pour formation médicale, est-ce une institution pour s’initier aux codes de la bourgeoisie ? Elle  ne tardera pas à le savoir, mais elle ne se reconnait dans aucune de ces catégories.

La première nuit, sous ses draps elle s’imagine loin de là, se remémore son bonheur d’avant. Elle a grandi dans un pays au climat plus froid, aux jours plus courts, mais entourée d’une chaleur familiale, aucune journée n’était semblable à la veille, elle n’était pas enfermée entre quatre murs, ses vêtements de laine lui réchauffaient le corps, ses amis lui réchauffaient le cœur en l’entrainant dans des aventures en toute liberté.  Elle a envie de chanter, de courir, de crier qu’elle veut une autre jeunesse, elle envisage même de fuir par une nuit de pleine lune.

Les jours sombres et les nuits sans étoiles passent, elle les compte, elle se demande combien de temps elle va tenir, va-t-elle mourir de tristesse ou rêver d’une autre vie ?

Un mois plus tard elle reçoit un courrier venant de Stockholm, Il lui semble reconnaitre cette écriture, mais ne se souvient pas de qui, elle n’est donc pas oubliée, un rayon de soleil la réchauffe. Les mains tremblantes elle ouvre l’enveloppe, déplie une carte postale au paysage parsemé d’iles enneigées. Ces quelques mots tracés la font fondre en larmes de joie.

Ma chère Greta,                                                       
   Dimanche à l’aube je viendrai te chercher pour te conduire vers une nouvelle vie.    
   Reçois toute mon affection. 
  Tante Aga.        

Greta se questionne. Qui est donc cette tante Aga qu’elle ne connait pas ? La vie est vraiment pleine de surprises.

Annick D.

Commentaires

  • Magnifique récit, on a envie de lire la suite, pourquoi ne pas écrire un livre, vous en avez tous les moyens et toute l'imagination si fertile, merci pour cette belle lecture.
    Annie T.

  • Merci Annie. pour vous être arrêtée hors de ces murs.
    la suite sera pleine d'inattendus, rien n'est sombre à jamais. L'imagination fera le reste..

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