Dans la basse-cour, il y avait des poules et des canards.
Canards bien gras que ma grand-mère destinait à la guillotine aux environs de Noël.
Une année, elle a décidé de cuisiner une oie.
Native de Sarlat, Mamie connaissait la musique.
Quand l'oie, choisie avec soin sur le marché des Capucins à Bordeaux, a fait son entrée dans la basse-cour, c'était la star ! Énorme dans son plumage blanc et gris, elle se dandinait et paradait devant les pauvres poulettes qui paraissaient anorexiques à côté d'elle. Quant aux canards, ils se planquaient devant la menace de ce mastodonte.
Je n'ai pas assisté à son trépas : j'étais à l'école. Mais, à mon retour en prenant mon goûter, j'ai vu ma grand-mère plumer l'oie … ou plus exactement la déplumer.
Son léger duvet voltigeait dans le chai et son cou pendouillait lamentablement. C'était un vrai chantier.
Quand l'oie s'est retrouvée nue comme un ver, j'étais sidérée. Elle me regardait !
À l'époque, j'étais une usine à cauchemars. Pour éviter d'en voir davantage j'ai laissé l'oie et ma grand-mère dans le chai.
Dans la soirée, l'oie a atterri dans la cuisine et on l'a laissée dans un coin au frais.
A cet instant même, Mamie s'est éclipsée dans le jardin : je me suis retrouvée face à face avec le volatile impudique.
Et soudain, ce morceau de viande s'est ébranlé et s'est mis à courir sur quelques mètres. J'ai hurlé d'effroi.
Quand j'ai voulu expliquer cet épisode à ma grand-mère, les mots restaient coincés au fond de ma gorge. Je commençais à me demander si je n'avais pas halluciné.
L'arrivée de Papy fut un soulagement. J'ai fini par lui raconter ce que j'avais vu. Tranquille, il m'a précisé que ce genre de phénomène était assez courant. C'est le système nerveux de l'animal qui réagit. Le dernier sursaut ! Mon système nerveux était quelque peu ébranlé.
Le soir de Noël toute la famille était réunie. Certains arrivaient de loin et c'était un bonheur de se revoir. J'attendais toujours mes cousins avec impatience.
Bien sûr, le menu du réveillon était alléchant ! Ma grand-mère était une cuisinière hors-pair.
Quand elle a apporté le plat de résistance c'est-à-dire l'oie rôtie tout le monde a poussé des cris de joie et d'admiration. On a fini par applaudir
-"Je vous la montre entière avant que Papy ne la découpe."
Quand j'ai revu cette pauvre bête rôtie, luisante mais inerte j'ai failli défaillir.
J'ai eu l'impression que nous aurions pu éviter cette mort cruelle. Le fait qu'elle ait eu cet ultime sursaut de vie était un signe !
Ce soir là, j'ai demandé une tranche de jambon.
Le cœur n'était pas à la fête.
Je me suis vengée au dessert ! Et la soirée s'est terminée dans la joie avec les cousins.
De plus, le Père Noël a été très gentil.
Marie Dp
Commentaires
Ah Marie ! Que d'images ! C'est comme si j'y étais. Que l'on me croit ou pas, cette histoire me met l'eau à la bouche. Une belle oie bien grasse, toute rôtie sortie du four après cet effroyable décapitement. Miam !