Une carte postale en noir et blanc présente deux femmes attablées à une terrasse. Que vous évoque-t-elle ?
Les beaux jours sont là, joli mois de Mai dit-on.
Clémence est installée à une terrasse de café. Robe très courte et jambes croisées, elle est fière de les montrer sous ce soleil printanier. Ses cheveux mi-longs lui cachent légèrement le visage.
Parcourant distraitement un journal, elle est plutôt pensive. Son petit ami est parti manifester boulevard Saint Michel, elle n'a pas eu le courage à le suivre. Les pancartes, les slogans, les barricades, c'est pas pour elle, lui a t'il dit.
La jeunesse se sent enfermée dans un carcan sous le poids d'une éducation devenue ringarde. Elle aimerait bien que ça change. Ras le bol des routes tracées par les parents, des jupes plissées, des bas à couture, des bigoudis le vendredi soir et tout le tralala. C'est le temps des mini-jupes, des musiques rythmées, des soirées prolongées sans les parents derrière.
À la table près d'elle, une femme d'un autre âge, sous son petit chapeau l'observe du coin de l'œil. Elle aussi est très inquiète. Elle en a vu dans sa vie des événements qui ont mal tournés. Tout ça pour quoi ?
Qu'est ce que c'est que cette jeunesse qui se révolte pense t'elle ? De mon temps, les filles ne sortaient pas à moitié vêtues, les parents n'ont plus la parole, ils laissent faire. Tout va de travers. Que va donc devenir cette société ?
Tiens, je préfère lire mon journal même si les nouvelles ne sont pas bonnes. Au moins, ces tenues incorrectes ne me feront pas loucher. Ah! Si mon pauvre mari était encore là, il lui dirait ce qu'il pense à cette gamine. Mais, il me semble la connaître cette petite, c'est bien elle, ma voisine du dessus qui prend la nuit pour le jour en mettant sa musique à fond. Elle danse tous les samedis soir jusqu'à l'aube avec ses copains aux cheveux longs.
Après tout, il faut bien que jeunesse se passe. Qu'ils essaient de refaire le monde, mieux que nous, espérons le. Ah ! Si j'avais vingt ans, voire quarante, j'en ferais bien autant.
La petite dame se souvient. Oui, c'était bien pour elle aussi, malgré les permissions de minuit, elle arrivait toujours à tricher. Les souvenirs reviennent, elle en a la larme à l'œil, puis se lève de sa chaise. Elle entoure la jeune fille de ses bras fragiles puis lui dit : "Tu as bien raison ma petite, libère toi de toutes ces traditions étouffantes, aime qui tu veux, fais des projets, ne laisse pas les autres décider pour toi, vis ta vie comme tu l'entends. Sois heureuse.
Puis pense à ta voisine du dessous de temps en temps, surtout le samedi soir....
Annick D