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  • Théâtre "Alexandra David-Neel" Mon Tibet..."

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    Alexandra David-Neel "Mon Tibet..." de Michel Lengliney
    Mise en scène et décor de Claude Laucournet,
    Avec Sophie Margalet et Laure Reutermann
    Théâtre Auguste Dobel,
    du 18 janvier au 10 février, 9 rue Philidor (75020).

    Si la curiosité vous pousse à mieux connaître cette personnalité légendaire, symbole des vies de femmes libres, aventureuses, érudites et en quête d'absolu, courez voir cette pièce présentée au théâtre Auguste Dobel par la compagnie Aurore dont nous avons déjà apprécié les initiatives aussi hardies que talentueuses.

    Nous sommes à la fin de la vie de l'héroïne, embauchant une aide dont les tâches mal définies au départ (dans la réalité Marie-Madeleine Peyronnet) se révèleront multiples, de secrétaire à femme de ménage.

    Les rapports entre les deux femmes, dans leur subtilité et leurs perpétuels déséquilibres et réajustements-ceux-ci en raison de l'humeur et des convictions têtues d'Alexandra, sont admirablement servis par un dialogue brillant, dont les à-coups et les ruptures font virer au comique ces derniers moments d'une vie exceptionnelle-qui auraient pu être tragiques ou au moins mélancoliques.

    La mise en scène de Claude Laucournet, très sobre et nuancée, soutenant ces revirements psychologiques par les déplacements et fausses morts de son personnage met efficacement en relief cet échange toujours imprévisible et sa progression vers une intimité tendre, un attachement qu'aucune ne voudrait voir se rompre. La musique (une bande-son d'Hugo Caruana) épouse efficacement les changements de ton et de situation.

    Sophie Margalet est remarquable dans le rôle d'Alexandra. D'autres textes nous avaient fait découvrir son talent. Elle est ici éblouissante entre autoritarisme, résolution passionnée et dure, et vulnérabilité juvénile. Le jeu de sa partenaire est à la hauteur, ferme et sensible à la fois, opposant des forces qui prennent parfois l'aspect de l'impuissance, de la colère et du désespoir au volontarisme stoïque de la championne.

    Grâce à ces talents conjugués l'essentiel des choix lisibles dans cette biographie est reçu et visiblement apprécié par le public : un féminisme qui n'exclut pas les hommes, dans la plus grande liberté des deux : quittant à jamais un mari infidèle, Alexandra continue à le chérir et lui de loin à la soutenir, y compris financièrement, dans ses expéditions ; éloge de la solitude qui ne doit pas être vécue comme un échec mais comme une jouissance ; revendication d'égalité sociale avec des allusions aux méfaits d'une certaine politique encore actuelle ; nécessité de la culture, particulièrement de la lecture, et de celle de la méditation qui permet d'envisager simultanément et sereinement vie et mort, se traduisant par cet étrange refrain que fredonne Alexandra, rythmant ses avancées difficiles: "un pas vers la mort", endurance physique visant à toujours repousser les limites de la machine, entretenue sans cesse à travers ses exploits. D'exploratrice ; orientalisme bouddhique joint à une extrême lucidité permettant d'approfondir et de mettre en pratique cette philosophie de l'existence.

    En cette période instable et incertaine nous repartons du théâtre enchanté(e)s, enrichi(e)s, éclairé(e)s, affermi(e)s.

    Marie-Claire CALMUS